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lundi 16 janvier 2017

Connaitre et maitriser son Allié. 5/5

Suite et fin de la série sur l'Allié. (5/5)
Conversations du Ministre espagnol Manuel Fraga Iribarne, ancien ambassadeur au Royaume - Uni, sénateur de Galicia, avec Dominique Aubier, 1991.
(Enregistrement sur magnétophone retranscrit et traduit).

9 Don Juan et Carlos Castaneda
Ministre F. I.  :
— Comment reconnaître l'Allié ? L'intuition, peut-être ?
Réponse de Dominique Aubier :
— L'intuition est incertaine, elle peut vous lancer dans la voie opposée…
L’allié, il a l’étrange manie de gouverner ceux qui ne l'ont pas vaincu tout en leur donnant le sentiment d'une grande satisfaction. La personne se croit libre, et fait de sa liberté une condition absolue justifiant tous ses actes, y compris les plus absurdes allant dans le sens de sa propre destruction. L'Allié non maîtrisé est un monstre. Pour Carlos Castaneda, vous vous souvenez, on en a parlé, il prend la forme symbolique d'un gigantesque moustique. C'est le symbole de sa pensée… je veux dire du secteur de la pensée dont il est un élément porteur… Il est un ethnologue, donc un scientifique. La science… un grand insecte, avec des grands yeux où chaque prisme représente une discipline… Vous connaissez ses livres, n'est-ce pas ?
Ministre F.I. :
— C'est vous qui me les avez conseillés ! J'ai lu "Una realidad aparte". C'est une lecture insolite… Pas du tout dans mes habitudes d'économiste… Mais je suis ouvert à toutes les littératures, vous voyez.
 
(rires. Juana arrive avec un plateau. Bruit des tasses et de la théière. M. F.I. échange quelques mots avec Juana. Elle revient avec des petits gâteaux etc… )

Dominique Aubier
— l'Allié, c'est une entité… Elle s'exprime par une disposition personnelle qui, tout en vous procurant une extrême jouissance, vous sape en profondeur. L’Allié non maîtrisé manipule, il vous conforte dans vos erreurs, il vous nargue, vous rend impérieux, jusqu'au jour où votre être s'effondre dans sa propre défaite. En attendant, l'Allié non maitrisé vous entraine dans sa spirale, vous comble de satisfactions, et un jour, comme je vous l'ai dit, il vous présente sa facture.
— Pour moi, elle a été salée. Je vous assure que j'aurais préféré continuer d'occuper des postes diplomatiques à l'étranger ou carrément changer du tout au tout… Mais vous comprenez… il fallait mener le combat de l'intérieur. Quitte à tenir des propos insupportables. Cela continue de me hanter. Peut-être est-ce pour cela que je vous parle… Nous nous connaissons depuis 30 ans… Depuis Santa Maria de Ligure, en Italie, vous vous souvenez ?

(évocation de souvenirs : rencontre à Santa Maria de Ligure, en Italie, lors d'un symposium sur le cinéma. Ils se lèvent tous deux et entrent dans la maison.
Plus tard. Reprise de la discussion sur l'Allié. A l'intérieur.

10 Comment faire pour reconnaître l'Allié à temps ?
— C'est l'Allié qui extrait le cœur de votre mystère de vivre. Et c'est dans le feu de l'événement qu'il tient son rôle. Il participe à l'acte et peut en démarquer le sens. Il est commis à l'incessante surveillance des états d'expression de votre mission. Il peut aussi se comporter comme un farceur, vous savez. Des farces qui vous ramènent sur le droit chemin…
— Je pense avoir trouvé mon Alliado, Señora. Mais comment le reconnaître à temps ?…
— Votre allié se signale à vous par quantités d'événements. D'abord, il a un nom. Un mode d'action. Il vous assiste, vous laisse agir. Il favorise vos actions, il vous donne une certaine chance, il vous grise, et soudain, il se rétracte. C’est par ce retrait qu’il se fait connaître. Il se manifeste par un effet de TsimTsoum. Il donne et se retire. Il veux se faire voir, se faire reconnaître et apprécier. Si vous l'ignorez, il usera de toutes les stratégies jusqu'à ce que vous soyez capable de vous mesurer à lui. Il complote, s'amuse à vos dépens. Il se révèle à vous. Il vous invite au combat.  Vous savez, il existe bien des gens qui le repèrent dans leur vie. Mais de là à le terrasser, il y a un monde. C'est toute sa subtilité : d'abord il se dissimule, puis il s'expose. Il vous défie. Et ne croyez pas qu'il suffise de le connaître pour s'en estimer le vainqueur. Vous devrez lutter et le vaincre. Lui dire "non". C'est un dragon. Il peut aussi vous abattre. L'allié, c'est votre garde du corps. Mais pas avant que vous l'ayez percé du javelot de Saint-Georges… Moi, je connais mon "Allié". Et vous, aussi monsieur le Ministre… J'en suis certaine. 

— Señora, je me connais assez bien moi-même pour reconnaître l'endroit où il se niche… Ce n'est guère flatteur. Il a un visage…
— C'est le côté inavouable de notre personnalité. Le côté "moche" en vous-même que vous ne pouvez avouer à personne. C'est tellement laid que… c'est inavouable. Il faut le battre et vaincre. Il faut l'identifier avec certitude, bien le circonscrire. Ne pas confondre ses effets avec sa vraie nature. Et puis vient l'épreuve : il est comme un tigre prêt à vous déchiqueter, tout en vous disant aimablement : "tu me reconnais ? Oui, c'est moi. Et tu ne peux rien contre moi…"

— Vous voyez l'Allié chez les gens, Señora ?
— On peut reconnaître l'Allié d'une personne lors de circonstances particulières. Il a tendance à "entrer en transe", c'est-à-dire à développer un mouvement entropique augmentatif jusqu'à devenir pratiquement l'identité même de la personne qui s'en laisse dominer. Chez certaines personnes, c'est flagrant. On le voit également dans les situations de conflit. La plupart des conflits entre personnes sont liés à des conflits d'Alliés… Les gens ignorent leur existence, ils en sont victimes et leurs Alliés s'affrontent, s'agissant d'une entité résidante de la "Gauche entropique". Or la "Gauche" est querelleuse, elle exprime toujours la contradiction. Le Zohar l'a bien décrit : la Gauche commence la première. Par inversion. On peut dire presque à coup sûr que quand une querelle éclate entre deux personnes, l'initiateur de la querelle est victime de son Allié. L'habileté consiste alors, pour maîtriser l'Allié de l'Autre, de lui jeter un filet en maîtrisant bien le sien propre…
— Voilà une technique diplomatique a enseigner ! Comment attraper un tigre dans un filet…
— Je suis persuadée que vous le faites déjà. Vous l'avez déjà fait. Ce jour-là, en face du Caudillo… Vous avez eu peur. Mais vous l'avez bravée. Était-ce la peur, votre allié, je ne saurais dire… En tous cas, une fois que l'Allié est vaincu, il est à votre service, il est dévoué

Je sais que vous l'avez vaincu, une deuxième fois, le jour même où vous avez soutenu le jeune roi lors de la tentative de coup d'État de février 1981. Les militaires avaient investi le Parlement (los Cortès) et menaçaient les députés. Vous étiez l'un des premiers à en avertir le roi, à lui jurer fidélité, à le soutenir en ce moment d'extrême tension. Vous n'avez pas renoncé… Vous n'avez pas eu peur.
 — Nos conversations depuis des années m'y ont aidé, Señora.
— Vous n'aviez besoin des conseils de personne, vous aviez Don Quichotte…
— Le jour de la tentative de coup d'État, ce fut un moment effroyable. J'ai senti que le destin du pays se jouait… J'ai eu la tentation de… renoncer… Mais j'y suis allé, il le fallait. Il fallait empêcher la rechute dans le passé. Il fallait bloquer ces criminels.
La démocratie, le peuple l'a compris ou du moins senti, en vous élisant comme président puis sénateur de Galicia depuis des décennies. C'est peut-être ce jour-là que vous avez vaincu définitivement votre allié. La tentation de la régression… oui cela pourrait bien être votre allié…

moi : — Vous voulez que j'arrête d'enregistrer ?
D. Aubier : — Qu'en pensez-vous don Manuel ?
M. — Tant que vous ne le passez pas à la radio… 
(rires.)
moi : — Je laisse tout, alors ?
M. — Je n'ai peur de rien… Pas même de moi…
D. Aubier, à moi : — prenez-en de la graine !
M. : — C'est votre disciple ?
D. Aubier : — Pire que Sancho Panza. Vous ne pouvez pas savoir !
(rires.)
D. Aubier : — de plus, regardez-le, il prend la mouche et il est grognon ! 
Juana : — Ah c'est sûr ! Le Senõrito, on ne peut rien lui dire. Mais ne vous inquiétez pas monsieur le Ministre, je m'occupe de lui…

(rires)  

Fin transcription - traduction. Le reste de la conversation a trait à des questions personnelles et sur la vie locale, sur la question des adductions d'eau et du tourisme dans la région. 

Pour retrouver l'intégralité de l'enregistrement de la série "Connaître son allié" :
part. 1
part. 2
part. 3
part. 4

part. 5


À chacun son Allié
Concernant l'Allié, Dominique Aubier a écrit un texte passionnant, publié dans Le Pouvoir de la Rose et Lire sa vie. Elle y fait la distinction entre l'Allié et le Gardien. Ne pas confondre… Également un chapitre sur l'Allié dans le livre Quand le Sacré fait du Cinéma.
 
 

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Feu d'artifice que cette cinquième et ultime partie !
Coup de projecteur remarquable sur un itinéraire bien connu de moi ! Le vaincre l'Allié pour qu'il ne soit plus l'obstacle, cela me parle vraiment.
Y en a-t-il d'autres dans ce cas parmi les lecteurs ?
Je publie sous l'étiquette "anonyme", mon identité n'a dans ce commentaire aucun intérêt.

Cap-Horn a dit…

Cher Anonyme vous avez raison de ne pas donner votre nom car vous ne Le connaissez pas encore!
Vous seul peut savoir si oui ou non vous l'avez vaincu mais vous le dites si bien "cela me parle vraiment".

Alors le travail de l'enfantement commence...ou alors nous continuons à payer la dette ...

Rentrons donc dans la promesse de la Gauche: chez les anciens peuples,ce côté était le plus noble et le plus honoré.Dans les costumes les plus antiques, le coté gauche de l'homme était toujours plus enveloppé et le plus couvert . dans certaines cérémonies, certains peuples s'enveloppent le bras gauche .
Dans la posture méditation , la main droite vient recouvrir la main gauche.
Toutes ces attitudes montrent que ce côté vise la perfection, l'Accomplissement des choses, la venue du Messie...
Amitiés

Domino a dit…

Le bras gauche couvert, comme dans le Bouddhisme (voir le Dalaï Lama) évoque le Qui-fait. Le bras nu (bras droit) évoque la pureté conceptuelle qui n'a pas besoin d'être recouverte ou cachée. La nudité du bras droit implique l'idée selon laquelle la Connaissance doit être dé-voilée, non cachée sous un voile, non plus recouverte mais visible et donnée dans sa nudité. La nudité du bras droit indique symboliquement les temps messianiques du dévoilement des choses. Mais cela, le Dalaï Lama ne l'a jamais dit… parce qu'il ne le sait pas. Il en vit le symbolisme sans pouvoir se l'expliquer… Parce qu'il est un acteur de style "Bip" là où l'explication intervient en BOP.

François-Marie Michaut a dit…

Je ne comprends pas ce commentaire de Domino.
Le bras gauche couvert des bouddhistes est bien celui du Qui-Sait ?
Le bras droit nu n'est pas celui du Qui-Fait ?
Cette question de latéralité droite/gauche demeure toujours ambiguë dans les expressions de Dominique Aubier. L'usage intensif du croisement des voies nerveuses entre le cerveau et le système nerveux périphérique ( décussation ) complique la compréhension des mécanismes. Ce qui est à gauche se manifeste à droite, et inversement.
Je reprends donc comme boussole l'alphabet hébreux en Y de DA.
Comme je suis de face, je vois alors à gauche la partie droite, le coté qui-fait aboutissant à l'impasse du tzadé final. Et à sur ma droite, la branche gauche, celle qui monte en qof et au dessus. Piquer aux marins et aviateurs leur système (vital) d'éviter les confusions, c'est de parler de babord ( couleur rouge ) pour la gauche en regardant vers l'avant, et de tribord ( couleur verte ) pour la droite.

Domino a dit…

Bras droit : lié à l'aire du langage, dans l'hémisphère gauche de la personne parlant d'elle -même. Le bras droit est dénudé. Le verbe est direct, depuis l'aire du langage hémisphère gauche de la personne, et innerve le bras droit et la main droite sur le pouce, l'index et le majeur (décussassion). L'annulaire et le petit doigt de la main droite sont par contre sur les iso (ou homo) latérales de l'hémisphère droit (du même côté iso-homo). C'est très simple. Langage = Qui-Sait = aire de Broca + aire de Wernicke, sur l'hémisphère à droite de la personne parlant d'elle-même. La confusion vient du point de vue selon que parle de moi ou que je parle de quelqu'un qui est devant moi. Donc le Dalai Lama a son propre bras droit dénudé, c'est le symbole de la connaissance descendant sur le corps à droite. Elle doit se montrer !

Anonyme a dit…

Merci pour ces lectures.
je vous transmets mes meilleurs vœux de santé et poursuite dans votre
parcours de transmission de l'œuvre de Dominique Aubier.
Avec un intérêt fidèle pour ces lectures et témoignages destinés à une meilleure "connaissance".,
je vous assure de mon amitié et de ma gratitude.

Domino a dit…

C'est gentil de me remercier. Mais la vraie gratitude s'exprime par un geste réel, et cela devrait se manifester par l'acquisition des livres, des films, ou un geste de mécénat. "Celui qui a la Connaissance doit la donner". C'est ce que je fais. Celui qui la veut doit la payer…" C'est ce que vous êtes invités à faire car il s'agit d'un échange et non pas de confettis que l'on jette à la rue…

Anonyme a dit…

Question : est-ce que l'allié use de moyens parfaitement lisibles ? Est-il là ,à l'autre bout du gué ?

Domino a dit…

Oui, l'Allié use de moyens lisibles. Il use de symboles. Il peut même vous parler directement. Il compose des rébus, des charades.
La difficulté c'est de bien l'identifier. Il est "l'antagoniste de gauche" que vous avez maîtrisé. Alors il se met à jacasser et tout vous dire.
Vous rencontrez des personnes qui sont les délégués de l'Allié. Ils vous disent des choses. L'Allié sait déjà ce que nous ignorons, car il est positionné en face de l'information issue de l'Invisible, à laquelle nous n'accédons pas. Il est le premier informé et peut dès lors nous communiquer ce qu'il sait.
Mais il ne faut pas confondre l'Allié avec le Gardien. J'écrirai un prochain article sur le Gardien.